Par Jiddu Krishnamurti (1895 – 1986) Pourquoi faut-il que tout soit problème dans nos existences ? Nous avons fait de Dieu, de l’amour, des rapports humaines, de l’existence entière un problème, et des besoins sexuels un problème aussi. Pourquoi ? Pourquoi réduisons-nous tous qui nous faisons à un problème, à une souffrance ? Pourquoi souffrons-nous ? Pourquoi acceptons-nous de vivre avec des problèmes ? Pourquoi n’y mettons pas fin ? Pourquoi ne mourrons-nous pas à nos problèmes au lieu de nous en charger jour après jour, année par année ? La question sexuelle et certainement une question que l’on peut se poser ; mais il y a la question préalable : pourquoi faisons nous de la vie un problème ? Travailler, gagner de la argent, satisfaire des désires charnels, penser, sentir, vivre enfin, tous est devenu un problème. Pourquoi ? N’est pas surtout parce que nous pensons toujours à partir d’un point de vue particulier. A partir de un point de vue fixe ? Nous pensons toujours à partir d’un centre vers la périphérie ; mais comme cette périphérie est le centre pour la plupart d’entre nous, tous ce que nous touchons est superficiel. …Qu’appelons nous un problème sexuel ? Est-ce l’acte ou est-ce une pensée se rapportant à l’acte ? Ce n’est pas l’acte lui même, lequel n’est pas un problème pour vous, pas plus que manger ; mais si vous «pensez » à manger ou à l’acte sexuelle toute la journée, du fait que vous n’avez pas autre chose à faire, cela devient un problème pour vous. C’est le fait d’y penser qui constitue le problème. Et pourquoi y pensez-vous ? Pourquoi construisez-vous tout un monde pour entretenir cette pensée avec vos cinémas, vos périodiques, vos récites, vos modes féminines ? Pourquoi, l’esprit est-il si actif dans cette voie? Pourquoi pense-t-il à vos besoins sexuels ? Pourquoi cette question est-elle fondamentale dans vos vies ? Lorsque tant des choses appellent, sollicitent notre intérêt, vous accordez toute votre attention à des pensées se rapportant au sexe. Et qu’arrive-t-il lorsque vos esprits sont absorbés de cette façon ? …En somme l’amour physique est la dernière évasion, n’est pas ? C’est la voie vers le complet oubli de soi. Elle offre quelques moments d’absence et il n’y as pas d’autre façon de s’oublier, car, pas ailleurs, tout ce que l’on fait dans la vie ne peut qu’amplifier, renforcer le moi. Et comme il n’y as pas qu’un acte qui ne mette pas l’accent de vous-mêmes qu’elle vous offre sont les seules où vous soyez heureux. Tout le reste, tout c’à quoi vous touchez devient cauchemar, source des souffrances et des angoisses ; alors vous vous accrochez à l’unique possibilité d’oubli, oubli que vous appelez bonheur. Mais sitôt que vous vous accrochez, cette voie devient un cauchemar elle aussi, car vous voulez vous en libérer, vous ne voulez pas en être esclaves. Alors vous inventez – c’est toujours l’esprit qui travaille – l’idée de chasteté, de célibat, et vous essayez le célibat, la chasteté, en refoulant, niant, méditant, en faisant toutes sortes de dévotions, ces opérations étant entreprises par l’esprit afin de débrayer de la réalité. Cela encore met l’accent sur le moi qui essaye de «devenir quelque chose», et vous revoilà pris dans la ronde du labeur, des tracas, des efforts, des souffrances. …La question sexuelle devient un problème extraordinairement difficile et complexe tant que vous n’avez pas compris l’esprit qui pense à ce problème. L’acte, vous le sauvegardez, Vous vivez librement à cet égard à moins que vous ne vous serviez du mariage pour votre satisfaction, faisant ainsi de votre femme une prostituée, ce qui est apparemment très respectable ; et vous en restez là. Mais le problème ne peut être résolu que lorsqu’on comprendre tout le processus et la structure du «moi» et du «mien» : ma femme, mon enfant, ma propriété, ma voiture, ma réussite, mon succès. Tant que vous n’aurez pas compris et résolu tout cela, vos rapports sexuels demeureront un problème. Tant que vous serez ambitieux – politiquement, religieusement, ou de toute autre façon – tant que vous mettrez l’accent sur le moi, le penseur, l’observateur, en le nourrissant d’ambitions, soit en votre nom, soit au nom d’un pays, d’un parti ou d’une idée que vous appelez religion, tant que durera l’activité de cette expansion personnelle, vous aurez un problème sexuel. … Le problème sexuel est une réaction et lorsque l’esprit cherche à le résoudre, il ne rendre plus confus, plus lancinant, plus douloureux. L’acte n’est pas un problème, le problème est l’esprit, l’esprit qui se veut chaste. La chasteté n’est pas du monde de la pensée : l’esprit ne peut que réprimer ses propres activités et le refoulement n’est pas la chasteté. La chasteté n’est pas une vertu ; elle ne peut pas être cultivée. L’homme qui cultive l’humilité n’est certainement pas humble ; il peut appeler son orgueil humilité, mais c’est un orgueilleux et c’est pour cela qu’il cherche à être humble. L’orgueil ne peux jamais devenir humilité et la chasteté n’est pas une chose de l’esprit : on ne peut pas «devenir » chaste. Vous ne connaitrez la chasteté que là où il y aura de l’amour, et l’amour n'est ni du monde de la pensée, ni du monde des objets de la pensée…
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December 2015
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